Le graphisme : oeuvre du génie ou de la technologie ?

Bien que la pratique du graphisme soit présente et acceptée moralement sous ses diverses formes dans notre société, autant en publicité qu'en création artistique, plusieurs commentaires approbateurs ainsi que haineux sont propagés à son égard. En effet, plusieurs affirment que le graphisme n'est en fait que l'embellissement de la réalité ainsi que la reprise de ce qui existe déjà. Oeuvre du génie ou de la technologie ? C’est à cette question que répond le graphiste Axel Ducharme en utilisant comme outils ses méninges et quelques giga-octets de mémoire vive.




Analyse du «Graphisme» :

Le questionnement sans cesse de ce qui est considéré comme de l’art ou non est une chose qui ne sera jamais du passé. À l’époque, on jugeait la qualité d’une oeuvre d’art, non pas par le désir du renouveau, mais bien par son courant artistique ainsi que par les talents de l‘artiste (techniques, couleurs, agencements). L’expression « rentrer dans le moule » est de mise dans ce cas-ci, car chaque artiste devait, en quelque sorte, faire ce que tout le monde faisait, pour être apprécié et pouvoir vivre de son art. Cette manière de penser ne laissait donc pas place à l’ingéniosité ni même à l’«illumination» chez l‘artiste. Plusieurs peintres, comme le confirme l’exemple de Van Gogh, n’étaient tout simplement pas de leur époque pour être reconnus, eux qui ont tenté de l’avant-gardisme. Malgré tout, c’est plusieurs années après, que le monde artistique a su reconnaître le talent de ceux-ci (1).

Depuis l’avènement de la technologie qui ne cesse de progresser avec les années, de plus en plus de questionnement ont été soulevés sur le volet artistique de notre monde. En effet, celle-ci prend une place constante dans notre société sous ses diverses formes, autant à la télévision, au cinéma, que dans la publicité. Grâce à celle-ci, on peut pratiquement réaliser tout ce qui est possible de faire, en retouchant la réalité pure d’une photographie, ou même en recréant un monde complet par un montage. Cette technologie est donc la base du questionnement de notre époque. Puisque la discipline du graphisme est celle qui utilise le plus ce nouveau moyen de communication , une question s’impose : « Le graphisme : oeuvre du génie ou de la technologie »?

La première forme de graphisme, comme on le connaît aujourd’hui, fut le mouvement du «Pop Art», qui fit son apparition dans les années 1960 et qui a su créer une jonction entre l’art de masse et l’art d’élite. Cette thèse est appuyée par l’un des plus grands révolutionnaires de notre époque, Andy Warhol. En effet, en plus de défendre le besoin de proximité entre l’art d’élite et le public normal (amener l’art à s’intégrer à la vie de tous les jours, comme le fait aujourd’hui l’art de la publicité ), Warhol ajoute un tournant dans l’histoire, par la destruction de l’unicité d’une oeuvre. Par ses sérigraphies, Warhol permet l’arrivée, plusieurs décennies plus tard, du réel graphisme par ordinateur.(3)


http://www.cvm.qc.ca/mboudreault/Images%20Jpeg/Andy%20Warhol,%20%20Marilyn.jpg

Le but de la technologie visuelle est de montrer la perfection d’une image ou d’une réalité avec le plus de précision possible. On désire tellement démontrer une réalité que pour atteindre cette perfection d’image, on doit la changer, pour l’adapter. Cette technique ne sert que d'embellissement de la réalité pour la montrer sous un plus beau jour, la réalité crue. Donc si nous modifions la réalité, on ne peut plus appeler ceci la «réalité». Selon plusieurs artistes prônant le « Réalisme » Ce serait une atteinte au cheminement même de la technologie et de l'évolution artistique et humaine.

Photos prises et modifiées par Marc-Olivier Goulet-Lanthier
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Cette manière de créer est contestée par plusieurs, car détruire la réalité serait une manière d’enlever tous les standards de beauté d’une oeuvre (car on enlève l’unicité et la beauté du geste créateur pour les remplacer par du «plastique» dénudé de sentiment). Du même fait, cela engendre la possibilité que n’importe quelle image, créée par l’homme, serait une oeuvre d’art. Un des facteurs importants de cet attrait pour le graphisme est, sans aucun doute, notre société de consommation (monde de la mode, de la publicité) qui requiert toujours une perfection qui trépasse le sens du mot «matérialiste» (superficialité).

De plus, cela remet aussi en question l’art de la photographie, qui est, selon le dictionnaire un «ensemble des techniques permettant d'obtenir des images permanentes grâce à un dispositif optique produisant une image réelle sur une surface photosensible »(2). On réduirait donc l’art de la photographie, qui est maintenant faussée par l‘ajustement d‘un montage, à un complément pour satisfaire un besoin du graphisme. Même la place du créateur est remise en question. Grâce à tous les logiciels de montage ainsi que d’arrangements visuels qu‘utilise le graphisme, la technologie serait le créateur de toute oeuvre qui nécessite son utilisation. De ce fait, l’homme serait réduit à un pion qui ne servirait que de point de relais entre l’idée (technologie) et la création (produit final).



Malgré tout, si l‘on regarde le graphisme sous un autre angle, ce serait l‘accomplissement de tout les efforts, dans les différents volets artistiques, qui permettraient justement de détruire les barrières de l‘impossible. L’homme a su créer cette technologie dans le but de pouvoir s’en servir pour avoir ainsi la possibilité d’exploiter au maximum ses capacités créatrices. Par les procédés d’ajustements pour recréer un monde complet, le graphisme est du génie en soit, car il faut beaucoup d’imagination et de patience pour arrivée à un produit final parfait. Cela démontre donc que l’humain est à la base de cette création, car sans celui-ci, aucune possibilité artistique ne serait envisagée.

Photos prises et modifiées par Marc-Olivier Goulet-Lanthier
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Pour ma part, je qualifie le graphisme comme un art complet, car il faut plusieurs aptitudes pour recréer la réalité. En plus de joindre la photographie, le collage, le découpage, l’ajustement des couleurs, des lumières et mainte autres techniques (ce qui peut être relié aux gestes créateurs de l‘artiste), il faut que le sentiment de réalité soit fluide pour ne pas briser le sentiment de la transparence du montage. Puisque la photographie était déjà là pour satisfaire notre envie de voir le réel matériellement, le graphisme vient répondre aux besoins de pousser encore plus dans notre cheminement créatif. On ne va plus jusqu’au simple fait de présenter la réalité, on se crée un monde, une réalité complète. Créer le présent, ce serait pratiquement, notre moyen mortel de jouer à être Dieu pendant quelques instants. Autant par la représentation de l’abstrait (style wallpaper (4)) que par les retouches de photographies, le graphisme est une représentation du rêve devenu réalité. Les graphistes sont les peintres de l’art moderne ; des artistes contemporains.

Wallpaper Abstrait


Wallpaper Abstrait


Pour conclure, il n’en tient qu’à vous de décider si l’art graphique est véritablement de l’art, car en soi, cette réflexion est une question de jugement personnel. Bien que l’homme ait toujours voulu représenter la vie réelle ou même le rêve, par des moyens matériels, le graphisme est la façon la plus efficace de notre ère pour parvenir à ce but. Malgré tout, le graphisme sera sans doute dépassé dans quelques années par une nouvelle forme d’art qui soulèvera tout aussi ce questionnement sans fin. Tout comme ces artistes qui n’ont pas été reconnu à leur époque, ce sera avec la mort du graphisme, que l’on réalisera le génie créateur de cette pratique mais quelque peu trop peu, trop tard. Le graphisme : oeuvre du génie ou du plagiat ? Réponse : seul l‘avenir nous le dira.

(1)GRIFFITH, Mari, L’art à travers les âges, Usborne, 2006, 196 p.
(2) BRETON, Rita, Le petit breton, Canada, Éditions HRW, 1990, 1762 p.
(3) HOLLIS, Richard, Le Graphisme de 1890 à nos jours, Angleterre, l'univers de l'art,
232 p.


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http://www.qc-graphix.com/
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